Les dividendes ne s’invitent jamais dans la liste des charges déductibles d’une entreprise, là où les salaires tiennent une place de choix. Cette différence de traitement fiscal, bien réelle, façonne le paysage de l’investissement et impose ses règles à ceux qui cherchent à optimiser la rémunération de leur engagement en société. Face à la valse des réformes fiscales et à la volonté d’aligner les régimes d’imposition, entreprises et actionnaires n’ont d’autre choix que de maîtriser ces rouages pour bâtir une stratégie de rémunération solide et piloter la trésorerie sans faux pas.
Dividendes : définition, fiscalité et enjeux pour les investisseurs
Le dividende correspond à la part de bénéfice que la société reverse à ses actionnaires, en fonction de ses résultats et de la politique décidée en assemblée générale. Pour l’actionnaire, il s’agit d’un revenu attendu, récompense de l’investissement réalisé. Mais la fiscalité peut vite transformer cette gratification en casse-tête.
Depuis 2018, la règle générale s’intitule prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax) : 30 %, dont 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux, appliqués sur le montant brut des dividendes sans réduction particulière. Il existe néanmoins une alternative : demander l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Ce second choix permet de bénéficier d’un abattement de 40 % sur les dividendes perçus, mais uniquement pour les personnes physiques et sous réserve de certaines conditions. En contrepartie, l’intégralité des revenus de capitaux mobiliers s’additionne aux autres gains annuels, avec le risque de franchir un palier fiscal supérieur. Le schéma se dessine ainsi :
- Flat tax (PFU) : approche directe, pas d’abattement, taux connu à l’avance.
- Barème progressif : abattement de 40 %, mais imposition ajustée selon le revenu total.
Pour les sociétés, le duo régime mère-fille permet, sous conditions strictes, une quasi-exonération d’impôt sur les dividendes reçus d’une filiale. Le statut juridique de l’entreprise et la situation de l’actionnaire sont donc déterminants pour définir la meilleure stratégie, en particulier lorsqu’il s’agit de concilier fiscalité et niveau de protection sociale, deux aspects rarement conciliables sans compromis.
Déductibilité fiscale des dividendes : mythe ou réalité ?
La déductibilité fiscale des dividendes fait régulièrement l’objet de fantasmes, surtout chez ceux qui découvrent l’univers entrepreneurial. Pourtant, la règle ne laisse aucune place au doute : du point de vue fiscal, le dividende ne vient jamais en diminution du résultat imposable. Il s’agit d’un partage du bénéfice déjà soumis à l’impôt sur les sociétés, et non d’une dépense comme le salaire.
Pour l’administration fiscale, la distinction est nette. Les sommes distribuées au titre du capital social ou des primes d’émission n’entrent pas dans la catégorie des charges déductibles. Seules les rémunérations (salaires, traitements, primes de gérance) ouvrent droit à une déduction, car elles rémunèrent un travail ou un mandat. Cette différence s’accentue par le fait que les cotisations sociales ne s’appliquent pas aux dividendes (hors cas particuliers des SASU/SAS), alors qu’elles grèvent systématiquement les salaires.
Autrement dit, au moment de bâtir un projet de création d’entreprise, il convient d’intégrer une donnée incontournable : choisir la distribution de dividendes ne permet jamais d’alléger la base taxable de la société. Les sociétés à l’impôt sur les sociétés doivent donc jongler entre l’attrait de la rémunération déductible et l’intérêt des actionnaires pour des dividendes nets. Ici, la fiscalité des dividendes intervient toujours après impôt, sans possibilité d’anticiper une moindre charge.
Dividendes ou salaires : quels impacts fiscaux et quelles stratégies privilégier ?
Le dilemme entre dividendes et salaires façonne la politique de rémunération des dirigeants-actionnaires. Le statut juridique de la structure et la position du dirigeant pèsent lourd dans la décision. À la différence du salaire, le dividende ne supporte pas, pour la majorité des sociétés soumises à l’IS, les cotisations sociales, sauf exceptions, comme certains gérants majoritaires de SARL. À l’inverse, le salaire génère des droits à la protection sociale, mais s’accompagne de charges sociales souvent élevées.
Sur le plan fiscal, les dividendes sont soumis à la flat tax de 30 % (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux). Il est aussi possible d’opter pour le barème progressif, profitant alors de l’abattement de 40 %, mais il faut alors ajouter les prélèvements sociaux. Le salaire, quant à lui, est imposé selon le barème progressif, sans abattement spécifique, mais intègre la déduction des frais professionnels.
Pour visualiser ces différences, voici un comparatif synthétique :
Nature du revenu | Imposition | Prélèvements sociaux | Déductibilité |
---|---|---|---|
Dividendes | PFU 30 % ou barème progressif avec abattement de 40 % | 17,2 % | Non |
Salaires | Barème progressif de l’impôt sur le revenu | Environ 45 % charges incluses | Oui (pour la société) |
Pour affiner ce choix, il est judicieux de tenir compte de la situation personnelle du dirigeant, de la structure du capital et du niveau de revenu global. La déclaration annuelle des revenus doit mentionner tous les montants perçus, dividendes comme salaires, chaque option ayant un impact concret sur l’imposition et la couverture sociale.
Choisir entre dividendes et salaires, ce n’est jamais trancher une question théorique : c’est arbitrer, chiffres en main, entre fiscalité, droits sociaux et attentes des actionnaires. Face au jeu de piste fiscal, la décision pèsera sur la trajectoire de l’entreprise, son attractivité et la sécurité de son dirigeant. À chacun de composer la partition qui lui ressemble, et de la jouer à la perfection.